Ayant le ventre et la cambuse pleine de langouste, nous faisons fi des avertissements des locaux quant à la survenue potentielle d'un fronte frio. Et puis les fichiers grib* officiels ne l'annoncent pas, alors, HEIN.
Nous partons de nuit pour une traversée qui devrait être belle et calme. Au début tout se déroule comme prévu, le vent n'est pas trop mal orienté et surtout assez doux, ce qui nous permet de naviguer gentiment dans la bonne direction. Mais évidemment les pécheurs locaux avaient raison : nous voila proprement secoués par un front froid de plus, au beau milieu de la nuit. Le vent monte, Yaga accélère et dépasse allègrement les huit nœuds. Ce n'est pas une bonne nouvelle en soi puisqu'il est hors de question de franchir la passe d'arrivée de nuit, il y a trop de récifs, et bien sû aucune aide à la navigation.
Plutôt que d'attendre sur place que le jour se lève, nous décidons de profiter du bon vent et de l'absence de vagues pour aller jusqu'au mouillage suivant . Nous arrivons au petit matin en vue de la passe, trempés et fatigués. le vent s'est calmé et la luminosité permet de voir les dangers potentiels, nous nous engageons donc. Compte tenu de la faible profondeur, je réduis ma marge de sécurité habituelle par rapport au chiffre du sondeur : nous irons jusqu'à trois mètres de profondeur, ce qui nous laisse encore 1,20 mètre sous la quille. Nous franchissons la passe sans problème, mais sommes encore bien loin de la plage que les fonds remontent déjà. Il faut repousser encore un peu la limite. Va pour 2,70 mètres. Nous avançons au ralenti, au moins si la quille racle les fonds, se sera à faible vitesse. Anne-Cécile à l'avant a du mal à différencier les têtes de corail des herbiers d'algues. L'impact potentiel aurait pourtant des conséquences très différentes dans un cas ou dans l'autre : Dans des herbiers, on s'arrêterait en douceur, tandis que dans une tête de corail nous serions arrêtés brusquement, avec un risque potentiel pour la quille et l'étanchéité de la coque...
A une allure d'escargot maintenant, nous continuons de progresser vers la plage, mais les fonds remontent encore. La limite est de nouveau atteinte, nous décidons de mouiller l'ancre dés que possible. Nous repérons une tache claire dans le sable, et y posons notre ancre: Au lieu de s'enfoncer elle se pose comme sur un sol en béton. Dans cette configuration son efficacité est quasi nulle. Seule la pointe est prise dans une anfructuosité de la roche. Une observation attentive nous révèle que nous ne trouverons pas mieux. Advienne que pourra.
Après une courte sieste réparatrice, nous gonflons l'annexe et allons explorer l'ile : de nombreuses traces d'iguanes au sol, nous nous lançons dans une quête de l'animal lui-même. Nous nous enfonçons entre les arbres, puis tentons de faire le tour de l'ile. Nous croisons un premier crâne, tortue ou Iguane? Les leçons apprises à Marcy-l'Etoile ne sont pas très disertes sur la question...
Enfin, nous apercevons l'animal lui même, espèce de gros lézard apathique.

Nous passerons au total deux nuits dans ce mouillage, plus une troisième un peu plus loin, complètement seuls au monde. Cuba est un des rares endroits de la Caraibe où on peut se retrouver aussi isolés !
* météo que nous récupérons via l'Iridium, qui se présente sous forme de champs de vent