top of page

Cabo Cruz

Damien

Après quelques jours passés à Santiago, nous repartons en direction de l'Ouest. Une belle navigation nous amène jusqu'à proximité de Puerto Pilón. Le navigateur se gratte la tête en relisant 3 fois le guide de navigation: pour gagner le havre du mouillage, il nous faut zigzaguer entre les récifs et têtes de corail non signalées. C'est notre première passe* un peu tordue, mais c'est aussi le seul abri accessible où passer la nuit.

Après quelques tergiversations, nous décidons d'une méthode qui doit nous permettre d'éviter tous les dangers : il suffit de suivre tout d'abord les quelques bouées présentes, puis de suivre la ligne des cinq mètres de profondeur. Par mesure de précaution Anne-Cécile est placée tout à l'avant, chargée de repérer à temps les écueils éventuels. Tout se passe à merveille, et nous voilà bientôt au fond d'une anse déserte, seul bateau à des kilomètres à la ronde. Nous y passons une nuit fort tranquille au milieu de la mangrove.

Le lendemain une courte navigation nous amène jusqu'à Cabo Cruz. Cette fois c'est la ligne de sonde des dix mètres qui permet de parer les dangers de la barrière de corail. Nous entrons alors dans un lagon magnifique, aux eaux turquoises. A peine l'ancre mouillée, les gardes frontières arrivent à la rame, accompagnés d'un brave cocker aux yeux doux en guise de chien renifleur de drogue. Ce fier équipage se loge dans notre petit cockpit, tandis que le chef seul a le privilège de descendre dans le carré pour viser le despacho (permis de navigation). L'intrépide chien policier fait une douce sieste entre le pilote automatique et le pataras pendant toute l'inspection.

Ce redoutable commando reparti à la rame, nous ne restons pas seuls longtemps. Alors qu'une voix nous hèle, nous cherchons vainement des yeux un quelconque esquif : c'est à la nage que nous a rejoints un pêcheur qui nous propose d'énormes langoustes fraîchement pêchées. Le prix est à notre convenance, nous achetons les deux premières pour 10 CUC (peso convertible cubain, à parité avec le dollar US), puis les suivantes sont échangées contre des crayons de couleurs et un fond de tequila. Notre pêcheur n'acceptera de monter à bord qu'à la nuit tombée, il n'a effectivement pas le droit d'être là et risque gros si on le surprend dans un bateau étranger. Il nous explique qu'il préfère récupérer des crayons que de l'argent : en effet, si ses enfants disposent de stylos à l'école, ils ne peuvent les ramener à la maison, et ils sont introuvables dans les boutiques du village. Il est très fier d'avoir réussi à leur acheter un ordinateur.

Le lendemain, en plongeant non loin du bateau, je découvre l'épave d'un catamaran Australien. Celui-ci aurait fait une erreur de navigation un an auparavant qui l'a précipité sur la barrière de corail. Il ne reste de son navire que des débris épars qui font le bonheur des langoustes. Nous voilà prévenus.

* Passe : Lorsque le mouillage est protégé par une barrière naturelle de corail, il faut souvent passer à travers les récifs, là où la barrière s'enfonce naturellement, libérant suffisamment de hauteur d'eau pour y glisser notre quille. Ces passes ne sont pas toujours très larges ni très bien indiquées, et les erreurs de navigation sont interdites, sous peine de sanction immédiate. On ne peut habituellement les franchir que de jour, et dans de bonnes conditions de vent.

Recent Posts

See All

Gastronomie cubaine

Les Cubains se plaignent volontiers du prix de la nourriture, et achètent beaucoup de denrées de la mano izquierda ( de la main gauche,...

bottom of page