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Dominique, la belle sauvage

Yaga

Que dire de la Dominique, après y avoir passé deux nuits seulement ? C'est à mon goût, vue depuis le large, la plus belle des petites Antilles. Lorsqu'on s'approche, elle semble un peu austère, dépourvue de plages. Mais la forêt est là, à peine interrompue par quelques bananeraies éparses ; elle recouvre entièrement les pentes montangneuses. C'est probablement aussi l'île la plus pauvre, et la moins densément peuplée : un peu plus de soixante-dix mille habitants pour ses 751km², d'après notre guide de Portsmouth.

On l'a désirée, cette île, tout au long de la traversée depuis la Martinique, au près – encore ! - dans un alizé encore renforcé par des gros grains : vitesse maximum du vent relevée à l'anémomètre, quarante nœuds tout de même. Œillet de garcette de ris du foc arraché, grand-voile déchirée le long de la chute (le bêtisier s'allonge...) : le catamaran de cinquante pieds que nous doublions en fanfare dix minutes plus tôt pouvait nous repasser devant, son équipage se gaussant probablement de notre imprévoyance.

Bref, nous étions bien contents d'atteindre enfin l'abri de la baie de Roseau, capitale de la Dominique. L'accueil ne fut pas de plus agréables : un pirate, la tête noblement emboîtée dans un bas en nylon, nous réclama sept dollars caribbéens pour deux heures d'amarrage à son corps-mort, le temps pour nous d'effectuer les formalités d'entrée. Gratifié pour son paiement d'un billet de dix dollars, il nous simplifia la vie en omettant, grand prince, de rendre la monnaie et de délivrer un reçu. Cependant, moins de vingt minutes plus tard, il tirait Alice de l'eau saumâtre où elle s'était jetée pour récupérer les papiers du bateau, et nous remettait un beau reçu calligraphié sur papier à en-tête. C'étaient finalement dix dollars bien investis !

Le lendemain, le mouillage de Portsmouth, plus au Nord, nous fut beaucoup plus agréable, un guide local nous indiquant un emplacement dès notre arrivée, en échange de quoi nous le choisîmes tout naturellement pour nous mener, à bord de sa barque, sur la Rivière Indienne. Principale attraction du coin, cette rivière très peu profonde, interdite aux moteurs – initiative louable des autorités locales – permet une courte promenade de découverte de la forêt tropicale et des marécages, peuplés de nombreux oiseaux, hérons bleus, hérons verts, martins-pêcheurs et aigrettes blanches.

Après une bonne nuit au mouillage, quittant Porsmouth pour la Guadeloupe, nous avons même aperçu le dos d'une tortue, qui nous a paru fort gros, brun foncé strié de blanc : nous l'identifiâmes audacieusement comme une tortue-luth, après quelques tergiversations ("un casier ? Un tronc d'arbre ? Mais non, ça nage !").

Nous avons été frappés, compte tenu de la pauvreté du pays, du nombre d'initiatives prises pour préserver l'île. Quelques baies ont été classées réserve naturelle et sont interdites au mouillage, ce qui permet de protéger les fonds marins : lorsque, telles Attila, nos lourdes ancres labourent le fond, pas grand-chose n'y résiste malheureusement. Un parc naturel a été créé à l'intérieur des terres, et, si j'ai bien compris, les randonneurs paient une petite somme pour y accéder, de l'ordre de cinq dollars caribbéens. Sur le pont qui enjambe la Rivière Indienne, des fresques multicolores mettent en garde contre l'utilisation de plastique et son rejet dans la nature.

Pour les amoureux de randonnées, la Dominique semble être une belle destination, peu fréquentée, que ne décrit aucun guide touristique en français. Pas d'aéroport international non plus.

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