
Poussons sous le tapis cette escale-éclair à la Barbade, à peine arrivés de la transat : douze heures, le temps de se congratuler devant une bouteille de champagne, de piquer une tête au petit matin dans une eau turquoise extraordinairement limpide, puis de fuir devant l'afflux de jet-skis sillonnant le mouillage. Cette première image des Antilles diffère radicalement de ce qu'elles nous ont donné à voir par la suite. La Barbade, île corallienne plate, aux vastes plages de sable blanc, n'a pas grand-chose à voir avec Sainte-Lucie et les îles plus au Nord, volcaniques et montagneuses.
Après les moteurs ronflants de la Barbade, l'arrivée à Rodney Bay, sur l'île de Sainte-Lucie, est magique au petit matin. Des dizaines de voiliers de toute taille et de tous âges sont mouillés dans ce vaste cercle fermé aux trois-quarts et entouré de collines. A partir de la Martinique, les voiliers de location prédomineront à nouveau ; ici, on retrouve majoritairement des bateaux arrivant de la transat, auxquels s'ajoutent quelques bateaux canadiens et américains.
Le village de Gros Islet (prononcer "Grozlet"), au fond de la baie, est le village de la fête à Sainte Lucie. Lors de notre débarquement, l'on s'affaire à monter des murs d'enceintes dans la rue. Wandrille : "Is there a party this evening ? (Y a-t-il une fête ce soir ?)
-Yes !
-Why ? (pourquoi)
-Because it's Thursday ! (parce que c'est jeudi)"
Ne vous laissez pas tromper par les noms de lieu : Castries, Gros Islet, Derrière le Morne, et le plus beau, le cap Moule-à-Chique. Les noms sont français, mais l'île a finalement été gardée par les Anglais. Elle est à présent indépendante, tout comme la Dominique. Le créole local, en revanche, est basé sur le français et la plupart des gens, notamment au marché, nous répondaient en français.
Adieu l'Europe, dont l'empreinte était encore bien visible au Cap-Vert, bienvenue en Amérique : murs d'enceintes crachant du reggae (des comptines de Noël, si l'on prête l'oreille), rues en terre battue, minuscules cases de bois coloré semblant disposées au hasard. Contrastant avec l'apparence parfois misérable des maisons, d'énormes pick-up rutilants remplissent les rues. Qu'on se le dise, ici la voiture individuelle est reine.
Et partout, une certaine nonchalance – il fait chaud et lourd ! Le vendeur de poisson à qui l'on réclame de nous en trier trois livres pousse un énorme soupir, un chauffeur de taxi nous hèle, mais de loin, sans quitter la chaise où il se prélasse à l'ombre. Comme nous refusons ses services, lui expliquant que nous préférons marcher, il nous approuve chaleureusement et conclut : "Enjoy my island !"