Nous préparons l'étape Las Palmas – Mindelo par un bon avitaillement de produits frais, pour les huit jours prévus. L'avitaillement commence à sentir les tropiques : à côté des tomates, courgettes, carottes et chou blanc, notre hamac à fruits et légumes s'est rempli d'avocats moelleux, de mangues suaves et de petites bananes sucrées. Dopés par la perspective de tous ces repas vitaminés, nous pouvons partir, pleins d'énergie et d'enthousiasme.
Hélas ! Dès la première nuit, le démon – un démon mineur, il ne faut rien exagérer – qui loge dans le coffre du cockpit, aussi appelé « antre du diab' », frappe. Une insinuante odeur d'hydrocarbures, dès la fin d'après-midi, nous avait alertés ; mais, légèrement nauséeux, comme toujours en début de traversée, nous avions remis au lendemain l'exploration de la fameuse antre du diab'. Mal nous en prit : en se levant à quatre heures du matin pour prendre son quart, Damien trouve le sol de la cuisine couvert d'une couche luisante et puante d'hydrocarbures.
Tout en épongeant et en s'en collant partourt, on cherche à identifier l'origine de la fuite : les jerrycans ? Le moteur ? Le réservoir ? Heureusement, la cause de la fuite est mineure, c'est le tuyau de l'évent du résevoir qui avait été cisaillé par une caisse d'amarres., et qui laisse échapper à chaque vague une petite giclée de gasole. Damien s'escrime sur le coupable, les mains imbibées de gasole, pendant une demi-heure. Pendant ce temps, j'éponge, j'éponge puis je savonne le sol pour tenter d'en ôter l'odeur. Le sol de la cuisine et du cockpit est transformé en patinoire où nous glissons d'un bord à l'autre : des nouveaux bleus en perspective ! Deux heures plus tard, le deuxième ris pris, je vais enfin me coucher, en gardant mes mains le plus loin possible de mon nez : malgré de nombreux savonnages, elles empestent.
