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Las Palmas de Gran Canaria

Yaga

L'arrivée au Puerto de la Luz, Las Palmas, fut éprouvante. Aucun incident pourtant, mais il nous a fallu entrer dans le principal port de commerce des Canaries à l'aveuglette, au beau milieu d'un grain qui nous enveloppait d'une épaisse purée de pois. Des monstres, cargos, pétroliers, paquebots et ferries rapides, en surgissaient de toutes les directions. Nous étions d'autant plus terrifiés que, ayant déjà affalé les voiles, sans émetteur AIS, nous nous savions pratiquement invisibles. Rarement abri nous aura paru aussi providentiel que celui de Las Palmas, une fois l'ancre mouillée sous une pluie battante. (Encore! On croyait pourtant les Canaries arides!)

Après la splendide beauté de Graciosa, le mouillage de Las Palmas, sous ce brouillard, nous fait l'effet d'un décor de polar : une voie rapide longe la mer, sur le quai d'en face on distingue les silhouettes des grues de charge, éclairées par des spots jaunâtres, et des plate-forme pétrolières en construction. Réfugiés au sec dans le carré, nous savourons une conserve maison de bœuf bourguignon qui achève de nous rasséréner.


Le lendemain, sous le soleil revenu, nous voyons les choses différemment. L'ambiance est excellente au mouillage, on s'interpelle d'un bateau à l'autre pour savoir comment aider ce petit ketch vert à cesser de déraper. Les bateaux ont changé depuis les Baléares : finis, les alignements de voiliers de location presque neufs, tous identiques et sans âme. Devant la playa de las Alcaravaneras, on trouve un échantillon d'à peu près tout ce que les constructeurs – chantiers ou amateurs – ont produit au cours des quarante dernières années. Toutes les tailles, du mini 6,50 au Super Maramu, beaucoup de ketchs, des catamarans énormes et rutilants et les annexes sont tout aussi variées ; panneaux solaires, éoliennes et régulateurs d'allure foisonnent sur les tableaux arrière.

Paquebots et ferries longent le mouillage à petite vitesse, en sonnant de toutes leurs trompes lorsque la flotille d'Optimist* en régate s'égare dans le chenal. Nous avons quitté le pays des rameurs : yoles et barques sont remplacées par les Laser**, 470** (à prononcer "quat'sept" pour faire initié), 29er** ("twenty-niner") et planches à voile.


Les trois premiers jours, consacrés aux divers travaux à bord et à l'achat d'un nouveau et indispensable pilote automatique, nous permettent de mesurer l'activité grouillante du port de plaisance à l'automne. L'ensemble de la marina est réservée aux participants de l'"Atlantic Rallye for Cruising" (ARC), dont les participants quitteront Las Palmas le troisième dimanche de novembre, à destination de Sainte-Lucie, aux Antilles. Les skippers se pressent chez les mécaniciens, les voiliers, les shipchandlers, afin de faire réaliser les dernières réparations avant le départ. Les annonces d'équipiers faisant du "bateau-stop" foisonnent, les plus débrouillards font la tournée du mouillage et parviennent à dénicher un embarquement en moins de quarante-huit heures.


Entre deux travaux, nous consacrons une bonne demi-journée à la visite de Las Palmas. La vieille ville (Vegueta) offre une promenade agréable. Des petites bâtisses peintes de couleurs pastel, donnent sur des larges rues pavées. Des portails extravagants, en basalte gris ou noir, surmontés de sculptures d'inspiration amérindienne, et des balcons de bois sculpté, tous différents, donnent un aspect très original à chacune des façades. La plus belle maison, et l'un des emblèmes de la ville est sans conteste la "casa Colón" où, selon la légende, Christophe Colomb venait se loger pour fréquenter Beatriz de Bobadilla, jolie veuve de Las Palmas. Les Canaries étaient en effet la dernière escale sur la route espagnole des "Indes occidentales". Les lourds galions, chargés d'autant de soldats que de marins, s'y approvisionnaient en eau et vivres frais avant de s'élancer dans l'Atlantique. La plus vieille place de Las Palmas, créée au moment de la fondation de la ville, n'a pas changé. On pourrait s'y croire encore au XVème siècle, lorsque les Espagnols arrachèrent l'archipel aux habitants d'alors, les Guanches.

Plus au Nord, nous remontons l'équivalent de la rue de la République lyonnaise : une vaste artère piétonne, pavée, entourée de belles boutiques et de façades baroques. Les vitrines des magasins présentent la collection automne-hiver : manteaux fourrés, écharpes, bonnets...Alors que nous sommes tous en vêtements d'été et qu'il fait presque 30°C en plein après-midi !


Enfin, le mardi soir, ayant conquis de haute lutte et après deux heures d'attente dans la boutique un pilote automatique flambant neuf, nous pouvons songer à visiter le reste de l'île. Vu l'épaisseur du topo d'escalade que nous venons d'acquérir, la semaine promet d'être bonne...


* petit bateau d'initiation à la voile, destiné aux enfants, dont la silhouette caractéristique, dite "de caisse à savon", hante tous les ports du littoral européen.

** séries de dériveurs légers également très répandus, les régates de Laser et 470 sont des disciplines olympiques.

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