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Plongée dans une culasse

Anne-Cécile

Vous vous souvenez de ce billet d'avril, où nous détaillions les pays que nous comptions visiter dans l'année à venir ? Imprévu du voyage, à peine un mois plus tard, nos plans étaient déjà complètement bouleversés. Les formalités de sortie de Nouvelle-Zélande étaient faites, une panne de feux de navigation nous avait forcés à faire une dernière escale d'une journée en Baie des Iles. Tout était réglé, et nous remontions, face au vent, le chenal de sortie du port d'Opua, direction : la Nouvelle-Calédonie.

Peut-être le moteur fumait-il plus qu'à l'accoutumée, peut-être y avait-il un bruit bizarre lorsqu'il montait dans les tours. Soudain, un bruit métallique se fit entendre, puis ce fut l'apocalypse mécanique : crachant fumée grise et hydrocarbures, notre brave moteur refusait de monter au-delà de 1800 tours/minutes. L'éteignant prestement, nous allâmes mouiller à l'abri d'une des innombrables îles de la Baie et prendre le temps de réfléchir à ce que nous voulions faire. Vingt-quatre heures plus tard, nous décidions que même si Yaga avait l'air de vouloir rester en Nouvelle-Zélande, nous avions envie de tropiques. Que diable, après tout, Yaga est un voilier !


Un cyclone et treize jours de mer plus tard, nous étions à Nouméa, confrontés à l'universel problème de pénurie de mécaniciens marine. Un ami d'ami, monté à bord, déclarait solennellement la probable mort définitive de notre bon Yanmar. Douze jours de navigation à la voile sur le lagon, dans la plus pure tradition glénanaise, nous portaient conseil. Puisque le moteur était déclaré mort, nous n'avions plus rien à perdre : autant se lancer et ouvrir ses entrailles pour en avoir le cœur net.

La rencontre providentielle d'un couple de marins se débarrassant de leurs deux (catamaran oblige) Yanmar 3GM30 nous a bien aidés : conseils avisés, prêt de clé dynamométrique et du manuel d'atelier du moteur, fourniture (gratuite !) de pièces improbables (joint de culasse, joint de carter, soupape d'échappement...!!). Qu'aurions-nous fait sans Oro, dit "le magasin"? La solidarité entre marins a joué à pleins tubes, François d'Yvon est venu plonger les mains dans notre moteur, nous enseignant ses techniques africaines pour décoincer un boulon grippé.

Une fois la panne identifiée : une soupape d'échappement avait perdu un morceau, il a fallu remplacer la fautive. Deux jours, pliés en deux dans le carré, à roder la soupape neuve à la main, avec évidemment du clapot qui entrait dans le mouillage...Enfin, ce fut le jour tant attendu du redémarrage du moteur.




Soulagés, nous avons enfin relevé le nez de cette fichue cale moteur...pour nous apercevoir que nous étions déjà presque arrivés à la fin du mois de juin ! D'après notre programme, nous aurions déjà dû être partis pour la Papouasie depuis un mois ! Qu'avions-nous vu de la Calédonie ? A part les zones industrielles de Nouméa et notre culasse, pas grand-chose. Que faire ? S'en tenir au programme, et foncer vers l'Indonésie et l'Afrique du Sud ? Faire l'impasse sur ce magnifique lagon calédonien, où les coraux sont encore si beaux ? Ou rester ici jusqu'à la saison prochaine ?

Nous avons finalement laissé les circonstances décider pour nous : j'ai trouvé un poste de vétérinaire très rapidement, de quoi vivre en Calédonie et remettre un peu de côté pour la fin du voyage. Nous allons donc rester quelques temps ici, aux antipodes. Voilà un peu plus de deux mois que nous y sommes désormais, et, vous savez quoi ? On trouve toujours l'endroit aussi beau !

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