
Quelle est notre vie quotidienne depuis que nous nous sommes "sédentarisés" ? Hé bien, c'est un amusant mélange de notre vie "d'avant", quand nous étions terriens, et de la vie de navigateur au long cours. Nous continuons à vivre à bord de Yaga, d'abord parce que c'est notre maison, que nous nous y sentons bien (sauf par coup de vent d'Ouest, mais on aura probablement l'occasion d'y revenir dans un autre billet) et que, vu les loyers pratiqués à Nouméa, nous pourrions difficilement nous offrir un appartement avec une vue aussi imprenable sur la baie !
Nous avons postulé auprès de diverses marinas pour obtenir une place à quai, mais les listes d'attente sont longues comme le bras, peu d'espoir donc, nous allons rester au mouillage, en plein milieu de la Baie de l'Orphelinat. C'est une baie bien fermée, bien protégée de partout, sauf de l'Ouest (mais on en reparlera). Nouméa est située sur une presqu'île entourée de petits îlots : d'un peu partout en ville, on a vue sur le lagon bleu, parfois ourlé de moutons blancs quand l'alizé est frais.
Bon, mais comment fait-on pour aller travailler quand on habite sur son bateau et qu'il n'y a pas d'arrêt de métro sous-marin ? Hé bien, tous les matins, on saute dans son petit dinghy gonflable puissamment motorisé (2 CV). Si l'alizé souffle déjà, on s'enveloppe dans un poncho ou un sac poubelle, car l'autre nom du dinghy c'est "mouille-cul". Si c'est vent d'Ouest, c'est la misère. Si c'est pétole, c'est une glissade sur un plan d'eau parfaitement lisse, dans la lumière dorée du matin. En cinq minutes, on rejoint le petit quai de la station-service, où nous avons la permission de laisser notre annexe attachée pendant que nous vaquons à nos occupations à terre.
J'y retrouve mon vélo, et c'est parti pour vingt-cinq minutes de balade, se terminant en apothéose par deux kilomètres le long de la Baie Sainte-Marie, située à l'Est de la presqu'île de Nouméa, et que domine la silhouette bleutée du Mont-Dore. Je longe des rangées de jeunes cocotiers, bien droits ou tout décoiffés suivant la force du vent ; de solides filaos, ou bois de fer, à la silhouette semblable aux thuyas et aux longues aiguilles fines ; des pandanus touffus, leurs racines comme autant de petites jambes et chargés d'énormes fruits verts ; et les pins colonnaires, ou araucarias, dont la ligne élancée, sinueuse, soulignée par les petites houppes d'aiguilles au bout des branches, est un poème à elle seule. Chaque jour, la lumière sur les eaux de la baie et les lignes de montagne est un peu différente, parfois tout est bleu, parfois tout est noyé dans une poudre dorée. On passerait des heures à contempler cette Baie sans s'ennuyer !