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C'est quoi ce bruit ?

Anne-Cécile

Nous voilà à la moitié de notre grand voyage autour du monde. Tous ces miles parcourus, toutes ces rencontres n'auront pas été en vain. A mi-chemin, nous avons trouvé, sinon la sagesse, du moins la réponse à une question lancinante qui nous hantait depuis notre enfance et que s'est posée tout individu doté d'oreilles dès sa première nuit à bord d'un bateau : c'est quoi ce bruit ? Mais si, vous voyez de quoi je veux parler, pour peu que vous ayez déjà passé du temps dans un bateau au port ou au mouillage : ces milliers de petits craquements, comme une brindille que l'on casse, qui semblent venir de la coque même du bateau. Toute notre enfance, nous nous sommes interrogés sur ce bruit. Toute notre enfance, nous avons reçu les réponses les plus fantaisistes. Des crabes gratteurs se promèneraient le long de la coque ; des poissons gourmands viendraient grignoter les algues sous la ligne de flottaison ; les pessimistes pensent à de sinistres réactions chimiques au sein même du polyester de la coque. Eh bien, après dix-huit mois de quête sur trois continents, nous avons enfin l'explication rationnelle (relativement rationnelle disons, vous allez voir par vous-mêmes) de ce phénomène : la crevette claqueuse. Si, si. De quelques centimètres de long, ce petit crustacé est doté d'une paire de pinces. Une des deux pinces est si développée qu'elle représente la moitié du poids de la bestiole. Au lieu de se servir de ce membre pour écraser la concurrence sur les courts de Roland-Garros, la crevette claqueuse préfère jouer des castagnettes. Chaque fois que la pince se ferme, l'eau qu'elle comprime monte à environ 4000°C (à la louche). D'où expulsion d'une bulle à haute pression, qui se dilate et éclate – clac ! Jusqu'à 218dB tout de même, le processus complet durant dix nanosecondes. Tout ça pour assommer ses proies, de minuscules larves de poissons et autres animalcules marins, que la crevette entraîne ensuite dans son repaire pour les dévorer. On en frémit. Pour aberrant que ce système paraisse à première vue, il doit fonctionner, car la crevette claqueuse jouit d'un certain succès évolutif : plus de 45 genres (dont Alpheus et Synalpheus, pour les fans de taxonomie) et 620 espèces, occupant tous les océans. Celles de Nouvelle-Zélande sont particulièrement bruyantes et actives, on les appelle ici kowhitwhiti moana (le "wh" se prononce "f"). Si vous n'avez jamais mis les pieds sur un bateau, vous pouvez quand même entendre claquer les crevettes sur le site de la Marine Nationale ! Internet est formidable.

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