Suite à la journée épique du 14 janvier, nous sommes parvenus, méprisant ce problème de moteur, à naviguer trois jours dans la baie des Îles avec Grégoire et Juliette. Puis, revenus à la marina d’Opua pour prendre livraison de deux gentils éléphants*, Agnès et Pierrot, nous nous y trouvâmes collés deux jours par le même problème de moteur, que nous décidâmes cette fois de résoudre. Le vendredi 20 janvier, nous quittons enfin la marina d’Opua. Instruits par la mésaventure du 14 janvier - et à nouveau logés dans une place de 18 mètres -, la manœuvre de sortie se passe sans anicroche, dans le ronronnement triomphant de notre Yanmar réparé**. Eau verte et turquoise sous un ciel de traîne, la Baie étale la splendeur de sa centaine d’îles. Nous en sortons enfin, passons le cap Brett, qui porte un phare, comme il se doit. Yaga, toutes voiles blanches dehors, se glisse entre les hautes falaises noires du cap et de Motukokako, l’îlot percé. Des nuées de fous blancs pêchent en piqué, se détachant nettement sur les rochers. Sans nous presser, nous descendons le long de la côte, puis nous nous glissons dans la baie étroite et profonde de Whangamumu, inhabitée. Les ruines d’une station baleinière achèvent de s’y effondrer, envahies par les fougères arborescentes. Des panneaux retracent l’histoire du lieu ; des photos d’époque montrent les carcasses de baleine, amputées de leurs nageoires, remontées le long de la cale. Les grands bouilleurs où l’on fondait la graisse de baleine, dévorés par la corrosion, alternent avec des cuves en béton où os et viande étaient bouillis. L’ensemble baigne dans une atmosphère légèrement glauque, en dépit du temps radieux. Une des particularités des côtes néo-zélandaises sont leur extraordinaire richesse en mollusques. Les rives de Whangamumu ne dérogent pas à la règle : la mer, basse en cette fin d’après-midi, découvre des milliers d’huîtres, solidement fixées au rocher. Nous débarquons équipés : couteau, citron et vin blanc, c’est parti pour le meilleur apéro de notre vie. On prend vite le coup pour ouvrir les huîtres à même le rocher. En une heure, nous en mangeons chacun une douzaine, tout en regardant le soleil se coucher sur les voiliers au mouillage. Lorsque nous retournons à bord, les mouettes et huîtriers ont tôt fait de venir prendre leur tour à table.

Le soir, devisant paisiblement dans le cockpit, nous regardons passer les satellites et briller les étoiles. Ça valait le coup de passer deux jours à la marina, les bras plongés dans le Diesel, et ça n’en est que plus savoureux. * éléphant : personne n'ayant ja- ja- jamais navigué (ohé ohé) ** Peut-on même parler de réparation ? J’avais tout simplement omis de changer le joint torique du filtre fin à gazole, ce qui provoquait une entrée d’air très lente, d’où ces étouffements imprévisibles. Vous savez tout.