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  • Yaga

Un jour ordinaire à bord de Yaga


De début décembre à mi-janvier, nous avions laissé Yaga dans la Baie des Iles, au nord de la Nouvelle-Zélande. Visite à des amis, puis road-trip jusque sur l'île du Sud avec la famille de Damien nous tinrent éloignés de la mer pendant cinq semaines. Lits moelleux et rectangulaires, douches d'eau douce et chaude à volonté, immenses cuisines au sol immobile nous firent le plus grand bien après quinze mois de navigations.

Le 12 janvier, les yeux encore remplis de toutes les merveilles vues à travers la Nouvelle-Zélande, nous revoilà à Opua en baie des Iles, accompagnés par le frère de Damien et sa copine. Yaga y tire tranquillement sur sa bouée. Soulagement.

Une fois le pied à bord, nous déchantons légèrement : tous les oiseaux de la baie y avaient visiblement élu domicile. Nos colonies de cafards ont prospéré malgré notre absence, grignotant draps et vêtements.


Le surlendemain matin, pont brossé et fonds du bateau truffés d'une bonne vingtaine de pièges à cafards, grand-voile réparée pour la énième fois et remise en place 1 , nous voilà prêts à affronter à nouveau la mer. Prêts, mais peu sûrs de nous : après cinq semaines de vie terrienne, nous nous sentons un peu éléphants, alors que nous voudrions faire bonne impression devant nos invités et leur donner confiance pour les trois semaines qu'ils vont passer avec nous.

Nous avons raison de nous méfier. Le démon frappeur qui habite probablement Yaga (c'est la seule explication à beaucoup de nos problèmes), réduit depuis cinq semaines s'occuper en élevant des cafards et charmant des oiseaux, fait un retour fracassant dans la vie très très active en ce samedi 14 janvier.


Le vent est faible, nous avons déjà plusieurs fois manœuvré dans cette marina sans anicroche, nous larguons les amarres en confiance. C'est sans compter sur le fait que les manœuvres précédentes s'étaient déroulées dans un place pour bateau de 18 mètres. Aujourd'hui nous sommes dans une place à notre taille, délimitée par un catway 2 et un fort duc d'Albe 3 sur l'autre bord, et le courant de marée est particulièrement fort. En moins de temps qu'il ne faut pour le lire, Yaga vient s'asseoir sur le poteau, y écrasant voluptueusement son panneau solaire tribord. Nous regardons plier notre portique d'un œil effaré. Comme dans la fable du chêne et du roseau, c'est cette souplesse qui sauve le panneau solaire, le temps que nous repoussions Yaga. Deuxième essai : même trajectoire ! La troisième fois est la bonne, et voilà Yaga remontant le courant dans l'allée principale de la marina, moteur au ralenti, tandis que nous nous remettons de nos émotions.

Cent mètres plus loin, alors que nous longeons le quai de quarantaine, le moteur - jusqu'ici irréprochable, contrairement à son homologue hors-bord - s'étrangle, s'étouffe, toussotte et cale. Redémarrage. Nouvel étouffement. Réplique d'anthologie de Grégoire, impassible :

"Juliette, nous ne sommes plus manœuvrants."

Nous venons nous échouer mollement, poussés par le vent et le courant, sur le quai de quarantaine, sous l'œil étonné du douanier, qui vient nous demander si nous souhaitons faire notre entrée sur le territoire. Non, mon bon monsieur, nous sommes juste en panne de moteur. Et nous nous sentons bêtes.

Une demi-heure plus tard, filtres vérifiés et circuit gasoil purgé, Yanmar repart sans faire d'histoires.


Arrivés dans l'anse choisie pour y passer la nuit, le guindeau 4 refuse tout service. Celà nous laisse presque froids. Nous nous contentons de nommer Grégoire au poste de guindeau (à commande vocale).

Alors que la nuit tombe, le feu de mouillage, pourtant fraîchement réparé, reste éteint. Nous allumons froidement les feux de navigation.


Nous sommes parvenus à garder un calme olympien, tout de façade, mais qui amène nos invités à nous demander si cette journée n'est pas un coup monté, histoire de leur faire comprendre que tout n'est pas rose dans un grand voyage en voilier. Mais ils s'en doutaient déjà, revenant eux-même tout juste d'un grand voyage, à bord d'un van en Amérique du Nord.

Bref, espérons que les jours se suivront sans se ressembler.


1 une grand-voile neuve est en commande, mais nous ne l'avons pas encore reçue...On a hâte de l'avoir !

2 petit ponton bas se rattachant au ponton principal et le long duquel vient s'amarrer le bateau.

3 poteau planté dans l'eau, auquel on peut s'amarrer.

4 moteur électrique servant à remonter l'ancre sans se casser le dos.

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