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  • Yaga

The dark side of Yaga, ep. 1 : le Maillet de la Justice


"J'en ai eu un ! Hin, hin, hin !"

...ou, pour citer son nom complet : le Maillet de la Justice Divine s'abattant sur le Bas Peuple. Quoi ? Quel bas peuple ? Agressons-nous – en plus de les insulter – les populations que nous abordons au cours de notre voyage ? Non, rassurez-vous. En revanche, nous luttons contre la biodiversité. Contre la vitalité d'un écosystème. Pour la disparition d'une espèce animale. Depuis quelques mois, depuis si longtemps que nous avons presque oublié notre vie d'autrefois, nous ne sommes plus seuls à bord, Damien et moi. Nous partageons les trente-quatre pieds de notre bateau avec...disons une bonne centaine de bateaux-stoppeurs, les chiffres sont approximatifs car ils rechignent à se prêter à un recensement exact : des cafards, pour parler clairement. Voilà, il y a des cafards à bord de Yaga, embarqués clandestinement à la faveur d'une erreur de notre part, carton d'emballage ou boîte à œufs montés à bord aux Marquises, allez savoir. Vaporisations extensives de produits sur-toxiques aux noms terrifiants (Raid, Mortéine, Goliath...), dépôts de poisons variés en des lieux stratégiques, nettoyages frénétiques afin d'éliminer toute source de nourriture, gazage intégral du bateau pendant que nous passions plusieurs heures à terre... Après chacune de ces interventions, nous avions une semaine ou deux de calme relatif, puis la population – les populations, devrais-je dire, car nous avons au moins deux espèces distinctes à bord – redressaient la tête, tel un champ de chiendent après le passage d'Attila, et nous recommencions à voir des bébés cafards, parfois un peu mal-formés, mais parfaitement viables, galoper gaiement le long des gaines électriques, les rongeant probablement au passage, ce qui n'arrangea guère nos problèmes électriques (mais on en reparlera un autre jour). Une de nos manières favorites d'éliminer ces sales bestioles (de taille modeste, les atroces blattes tropicales de dix centimètres n'ayant jamais réussi à envahir le bord) est donc ce fameux MJDABP (Maillet de la Justice Divine s'abattant sur le Bas Peuple). Conçu à l'origine pour enfoncer une pinoche (sorte de bouchon de bois) en urgence dans une éventuelle voie d'eau afin de l'obturer, pourvu que cette voie d'eau soit de forme circulaire, ce gros maillet représente un réponse propre, écologique et anxiolytique au passage de cafards dans le carré. Malheureusement, à long terme, c'est un peu comme espérer lutter contre la pollution urbaine en installant des pots catalytiques sur les voitures : un peu insuffisant. Deux seuls espoirs nous restent donc : notre absence du bateau pendant plusieurs semaines, pendant que nous visiterons la Nouvelle-Zélande par la route. Plus de miettes diverses et variées, les cafards pourront soit grignoter des câbles en attendant notre retour, tout en chantant des cantiques de Noël pour se donner du courage ; soit quitter le bord pour une meilleure destinée, à la nage par exemple (ces sales bestioles nagent fort bien et assez vite). Le froid glacial qui règne encore ici en ce début d'été austral ayant déjà opéré des coupes claires dans les deux populations du bord, nous espérons qu'il fera bien froid pendant encore quelques semaines. Une petite satisfaction tout de même : nos observations nous conduisent à penser que, de façon étonnante, les cafards souffriraient du mal de mer. En tous cas, ils disparaissent en navigation, d'autant plus si la mer est agitée. Ces derniers temps, en particulier dans le trajet Fidji-Nouvelle-Zélande, ils ont dû souffrir. Hin, hin, hin...

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