Lors de notre escale à Fakarava, nous avons eu l'occasion de visiter une ferme perlière. Comme nous sommes un bon public, recueilli et attentif, nous pouvons vous donner la recette pour produire une perle de culture de Tahiti.
Ingrédients :
un lagon, peu profond, et pourvu d'une passe suffisamment large pour que l'eau en soit bien renouvelée. La plupart des fermes perlières se trouvent dans les grands atolls des Tuamotus (Fakarava, Rangiroa), ainsi que dans l'archipel des Gambier, situé à l'extrémité Sud-Est des Tuamotus. Si un nombre trop important d'huîtres est élevé dans un lagon peu renouvelé, les huîtres meurent.
Des huîtres Pinctada margaritifera, dont le manteau est généralement noir, très rarement blanc.
Des nucleus, petites billes de 6 millimètres de diamètre.
Un greffeur pourvu de bons yeux et d'une main sûre.
Beaucoup, beaucoup, beaucoup de bouées.
Comment procéder ?
Tout d'abord, capturez les huîtres. Immergez dans le lagon des supports à naissain, très souvent de simples cordes trempant en eau peu profonde. Les jeunes huîtres les trouveront irrésistibles et viendront s'installer dessus en masse. Les raies vont venir festoyer dessus, tant pis. Disposez ensuite votre naissain sur les lignes d'élevage sous-marines, maintenues immergées sous des bouées, à la manière d'un filet de pêche.
Lorsque les huîtres ont deux ans et demi, vous pouvez leur faire subir leur première greffe. Armez-vous de courage, et sacrifiez une belle huître, dont la couleur du manteau – la partie sécrétant la nacre – vous agrée. Débitez ce manteau en petits tronçons : vous voilà à la tête d'une cinquantaine de greffons.

Vient alors la greffe proprement dite, qui est l'étape la plus délicate. Le greffeur maintient l'huître receveuse légèrement ouverte, face à lui. D'un petit coup de scalpel, il incise l'arrière de la gonade, sans léser aucun autre organe, et y dépose le greffon. Puis il introduit le nucleus dans la gonade, au contact du greffon. Un bon greffeur se caractérise par le nombre d'huîtres greffées par jour, mais aussi par le taux de réussite de sa greffe.
Après la greffe, immergez à nouveau vos huîtres pour dix-huit mois, puis récoltez vos perles ! Les huîtres peuvent mourir suite à l'opération ou à leurs prédateurs, rejeter le nucleus (elles produisent alors un keshi, nacre en forme de grain de riz soufflé, utilisé en bijouterie), ou produire une perle. Pour cent huîtres greffées, vous récolterez entre cinquante et soixante perles.
Les huîtres ayant produit une belle perle peuvent recevoir un nouveau nucleus. Une huître reçoit deux ou trois nucleus au cours de sa vie, exceptionnellement jusqu'à cinq nucleus successifs.
Après la récolte des perles, les huîtres réformées ne connaissent pas une retraite dorée : elles sont, pour leur malheur, comestibles et même savoureuses, cuisinées au citron et au lait de coco.
Une fois vos perles récoltées, vous pouvez les classer dans l'une des cinq catégories : "Top gem" (parfaite), A, B, C, D.
Six critères permettent d'évaluer la beauté et la valeur d'une perle :
la taille, ou calibre, de huit à seize millimètres ;
la forme : sphérique, cerclée, en poire, en goutte, baroque... ;
la surface, qui doit être exempte de piqûre ou rayure ;
l'orient, ou irisation ;
le lustre, ou brillance ;
la couleur.
Apparemment, les joailliers européens préfèrent les perles très noires, plus rarement brunes ou aubergine. Mais la perle de Tahiti peut présenter des reflets bleus, verts, rosés, gris... Les perles de catégorie inférieure (C ou D) sont très bon marché. Des toutes petites filles arborent ainsi de splendides boucles d'oreilles, on trouve même des perles sur les bretelles de leurs robes ou sur leurs petits sacs à main !