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Encore les Marquises !

Anne-Cécile

Devant les vingt-six lettres de mon clavier, je me sens bien impuissante à transcrire les émotions puissantes qui s'agitent dans nos coeurs à la fin de ces cinq semaines aux Marquises. En partant pour ce long voyage, nous savions bien que vous nous manqueriez, tous, famille et amis restés en France, et que, depuis le départ, ça nous fait comme un petit tiraillement de côté chaque fois qu'on pense à vous. On n'avait pas anticipé que tout au long du chemin, nous nous ferions des amis qu'il faudrait aussitôt quitter...

Pour parler des Marquises, que nous quittons ce jour, rires et larmes se mêlent : il est si loin de tout, ce petit archipel, il est si long le voyage pour y arriver depuis la France ! Reverrons-nous un jour nos amis, et ces paysages splendides qui nous sont devenus si familiers et si chers ?

Comment vous faire comprendre le déluge de sensations qui y a submergé nos sens, si aiguisés et affamés après un mois de mer ? Quelle image pourra jamais rendre l'indescriptible beauté de Fatu Hiva lorsqu'elle a surgi de l'Océan devant notre étrave, alors que le soleil se levait, comme si elle avait été créée pour Yaga ? Je revois le soleil couchant du premier soir caresser en tons jaunes et orange les rives de la baie des Vierges, où de légères pirogues à flotteur glissent au ras des déferlantes.

Et, après tout ces bleus et gris, tous ces verts ! Vert sombre des manguiers majestueux, les arbres à pain un ton plus clair, plumeau des cocotiers frémissants au vent, vert tendre des pelouses sur les hauteurs.

Les arômes puissants de la terre après la pluie se mêlent dans ma mémoire aux parfums du tiaré, du frangipanier et du santal.

J'entends encore le bruit de cataracte que faisait la houle en s'écrasant sur la rive de Hanatefau, et la rumeur des énormes pierres s'entrechoquant dans l'aspiration du ressac. Je me revois sortant de l'eau au soleil couchant, dos à la mer, et la vague qui me suivait s'élevant si haut que j'en voyais l'ombre devant moi.

Je nous revois nous mettre à l'eau dans cette mer claire et tiède, nager jusqu'à la plage, accueillis par un sourire et un signe du bras de Teii. J'entends encore les voix puissantes des villageois qui, tout en houspillant notre guide – "Teii, attache ton chevaaal !" - nous invitent à kekai : manger ! J'ai, imprimé dans un coin de mon coeur, le sourire en arc-en-ciel de Motane, et le regard intense de Cindy, sous ses sourcils arqués.

A l'heure de quitter l'archipel, le son du paru, haut tambour marquisien tendu de peau de chèvre, résonne une dernière fois à nos oreilles : les collégiens d'Atuona offrent une danse d'adieu à leur directeur, prenons-la pour nous !

Puis, amarre et ancre remontées à bord, sortons de cette baie de Tahauku, à Hiva Oa ; empruntons, pour la dernière fois, le tapis volant du canal du Bordelais ; longeons, à distance, cette côte Ouest de Tahuata. Là, au soleil couchant, juste sous la lune toute ronde qui vient de se lever, un toit brille - ayons une pensée émue pour le jardin de Doudou (bel arbre à tava, le lychee local, caramboles sucrées, fréquents séjours du propriétaires des lieux à Ua Pou durant lesquels des rats pillent son verger).

Nous sommes arrivés aux Marquises Sud au lever du soleil, nous les quittons comme le soleil se couche, dans une jolie brise portante. Galope, ma belle Yaga, laisse nos regrets derrière nous et emmène-nous bien vite aux Tuamotus !

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