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  • Anne-Cécile en vert, Damien en violet

Majorque par la face Nord


Résumé des épisodes précédents : lundi 14 septembre, nous quittions à nouveau Ciutadella, en direction d'Alcudia, sur l'île de Majorque (c'est en face, au fond de la baie à droite). Une vilaine mer croisée nous cueillait à la sortie du port, réitérant l'inusable plaisanterie de la drisse de grand-voile coincée dans le projecteur de pont, situé sur l'avant du mât, juste au-dessus des barres de flèche. Voilà qui signa l'arrêt de mort de ce projecteur, néfaste en plus d'être inutile.

(Qu'on se le dise, un grand processus de SIMPLIFICATION est en cours ; tels Marie Montagnat devant sa machine à coudre, nous n'hésiterons pas à supprimer tout ce qui nous semble compliquer la navigation. Anne-Cécile hésite même parfois à supprimer tout le bateau et à le remplacer par un petit âne, qu'on baptiserait Yaga. Ca remonterait moins bien au vent.)

Ce petit incident clos, et six heures de près plus tard, nous étions amarrés au fond de l'immense baie d'Alcudia. La ville, pourtant vaste et riche en gratte-ciels assez laids, paraît minuscule et perdue au milieu de ce cercle de montagnes abruptes, aux pentes désertes. La mer y est lisse comme en rivière. C'est là que Luce et Arthur débarquent. C'est un peu triste, mais, point positif, Luce avait perpétré la veille un génocide parmi les mouches embarquées à Cala Coves. Il n'en reste qu'une, qui ne saurait tarder à succomber à nos coups de torchon, tel le dernier des Mohicans.

Nous avons trois jours de navigation devant nous, pour atteindre Palma où Thibaut nous rejoindra pour la traversée jusqu'à Ibiza. Etant à l'Est de l'ile et Palma inéluctablement de l'autre côté, nous avons deux solutions : passer au Nord ou au Sud ?

Le nord est une côte magnifique mais hostile, avec peu d'abris. Le sud a moins d'attraits, mais des port mieux répartis. Pour trancher, nous décidons d'appliquer la stratégie qui a si bien marché à Minorque : passer sous le vent de l'île, de manière à ne pas avoir de houle. Làs ! cette fois, la houle n'est pas créée par le vent de l'instant, mais nous vient directement des côtes françaises où une tempête sévit et lève la mer. Les vagues courent à travers le golfe du Lion et nous arrivent par le travers.

Le mardi, une longue navigation le long des falaises blanches et rouges de la côte Nord nous permet de progresser dans le Sud-Ouest, en direction de Palma. Pour la première navigation en double de ce voyage, notre destination est plein vent debout (évidemment), avec une mer agitée, qui n'est pas celle du vent. Celui-ci, fort capricieux, nous fait regretter de n'avoir pas lu plus assidûment "Météo et stratégie", chapitre "météo locale", alinéa "relief isolé et élevé". Le soir, Puerto Soller, le seul véritable abri de cette côte, nous offre un mouillage bien plat. On y est bien, du moins les monocoques, car les catamarans dérapent tous (sauf les Kiwis, qui en ont probablement vu bien d'autres).

Le mercredi, la météo est la même, la mer étant cette fois forte*, mais le vent toujours aussi modéré. Il nous aura fallu neuf heures et demie pour couvrir les 28 milles de la journée en route directe (soit environ 50 kilomètres). Ceux qui déplorent l'urbanisation massive et généralisée qui défigure les Baléares n'ont probablement jamais jeté l'oeil sur cette côte Nord de Majorque – et pour cause : il n'y a pas même une route. Les falaises pelées tombent à pic dans l'eau, et sont surmontées de sommets impressionnants. C'est beau, mais peu accueillant et mieux vaut être sous le vent de la côte **! Apparemment il y a quand même des sentiers de randonnée.

Le cap le plus à l'Ouest de Majorque, la pointe Ouest de l'île Dragonera, est doublé en un temps infini, impression renforcée par l'excellente visibilité. On se croit beaucoup plus près qu'on ne l'est en réalité... Quelle récompense que l'abattée qui suit ! Au lieu de se hisser péniblement au sommet de chaque vague, Yaga se met à les chevaucher, oublieuse de ses quatre tonnes et surfant comme un dériveur ! Le speedo enregistre des pointes à plus de huit noeuds, sous voilure réduite (notre petite trinquette et un ris)

Le jeudi, enfin du portant ! Nous avons basculé du côté Sud de l'île, moins sauvage ; cependant, seule une étroite bande côtière est urbanisée et depuis la mer, on voit peu ou pas d'habitations dans l'arrière-pays. La navigation jusqu'à Palma, au portant, est facile et agréable, malgré la houle abrupte qui persiste. Quelle différence avec la veille !

La ville de Palma est, elle aussi, nichée au fond d'une baie remarquable par ses dimensions et par l'abri qu'elle offre. Elle est en effet si vaste que la houle, pourtant orientée dans l'axe de la baie, s'y dissipe presque complètement, offrant ainsi un magnifique terrain de jeu aux voiliers de toute sorte qui y croisent.

Ayant mal compris mon message à la VHF***, l'accueil du Real Club Nautico commence par nous attribuer une place d'une taille extravagante, nos voisins mesurent tous au moins treize ou quinze mètres ! Au vu des papiers du bateau, la charmante responsable de l'accueil nous fait déplacer sur un quai plus approprié. Notre voisin bâbord, quoique rutilant, n'en a pas moins un âge certain, et Yaga se sent bien jeune ! On trouve à Palma beaucoup de voiliers classiques – en bois-, ainsi que des chantiers de charpentiers de marine capables de s'occuper de ces engins splendides et délicats. Le polyester de Yaga demande bien moins d'entretien !

Marigan (1898)

* Mer forte : terme faisant référence à l'échelle de Douglas, qui décrit l'état de la mer et notamment la hauteur des vagues, en utilisant neuf termes, allant de "calme" (mer d'huile) à "énorme" (vagues en moyenne de plus de 14 mètres). Mer forte = entre 2,5 et 4 mètres de creux.

**C'est-à-dire que le vent passe d'abord sur l'île, puis sur le bateau. En cas de problème, le bateau dérive loin de l'île au lieu de venir se fracasser dessus...

***Very High Frenquency : c'est la radio utilisée pour communiquer avec la terre ou les autres bateaux, d'une portée de 20 à 30 miles.

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