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  • Damien

De Minorque à Majorque : une traversée mouvementée !


Trente-cinq miles* séparent Minorque de Majorque, rien de bien inquiétant normalement. Cette traversée fut pourtant bien plus mouvementée que prévu. Le clapot qui entrait dans le port de Ciutadella nous avait bien mis la puce à l'oreille au réveil, ce qui se tramait dehors semblait plus fort que les dix petits nœuds de vent mesurés au ponton. Mais la météo annoncée était clémente, vent de force 4 à 5** le matin, faiblissant dans l'après-midi en adonnant*** gentiment. Nous préparons donc le bateau pour une traversée, en arrimant tout ce qui peut l'être, enfilons cirés et gilets et larguons les amarres.

Nous descendons les deux kilomètres de la belle et étroite calanque de Ciutadella, en surveillant le clapot qui forcit au fur et à mesure,et devient rapidement un vrai champ de bosses. Une pensée inquiète vers le moteur - il ne faudrait pas qu'il cale, les cailloux sur laquelle la mer brise joliment ne sont qu'à quelques dizaines de mètres de part et d'autre du bateau. La sortie approche, mais nous peinons à avancer. Nous sommes obligés de mettre plus de gaz pour franchir la houle. Le brave Yanmar répond présent et nous propulse jusqu'en eau libre.

Nous y voilà cueillis par une mer désordonnée qui chahute Yaga dans tous les sens, la houle qui rentre dans cette large baie se répercute sur les falaises alentours, créant des vagues en tous sens, qui nous poussent d'un côté, de l'autre. Arthur galope au pied du mat pour envoyer la grand voile, vite, qu'elle nous appuie et stabilise le bateau. Hélas, les ruades du navire jouent avec la drisse de grand-voile, la faisant tournoyer autour du mât. Bien vite, elle en profite pour nous jouer son tour habituel et se coince entre la barre de flèche et le projecteur de pont. Impossible de l'en déloger, l'expérience du départ de Port Camargue l'avait déjà démontré.

Nous retournons donc au ponton, pour pouvoir monter au mât. Hélas, les marinas sont privées en Espagne, et leur personnel pas toujours doté de la solidarité habituelle entre marins. A peine accostés au quai que nous avions quitté une demi-heure plus tôt, nous voilà délogés par un marinero outré, qui nous expédie manu militari au ponton des pêcheurs. Par contraste ceux-ci sont plus accueillants, c'est-à-dire que nous ne voyons personne : en ce début de matinée, ils sont probablement encore tous en mer. Nous montons au mât repêcher la drisse égarée et repartons.

Nous ré-embouquons cette belle calanque, adressant à nouveau une prière muette au dieu des moteurs Diesel, et nous voilà de nouveau dans la lessiveuse méditerranéenne.

Les voiles sont cette fois vite hissées, et Yaga commence à lutter contre les vagues. La lutte est inégale, elles sont innombrables, et viennent de tous les côtés à la fois. Luce à la barre déploie des talents d'équilibriste – ou de voileuse légère -, lofant à la montée, abattant à la descente, et pesamment nous avançons.

Une heure à ce rythme l'épuise, et nous devons changer de barreur. Le remplaçant hurle: ce bateau est ingérable. En effet, sur-toilé, il se vautre et n'avance pas. Nous roulons donc un bout de génois, puis prenons un ris****, et mieux équilibré, le bateau taille sa route. Propulsés par un bon vent, nous sortons désormais de la baie et de son phénomène de résonance. La mer se range, la houle devient plus ordonnée et donc plus facilement négociable.

Enfin nous entrons, après quelques heures de près, dans l'immense et majestueuse baie d'Alcudia, cernée d'immenses falaises. La houle disparaît tout à fait, et la navigation devient une belle glisse facile. Nous nous amarrons au port après six heures de traversée.

Tandis que Luce et Arthur vont piquer une dernière tête dans la mer avant de retourner à Lyon, Anne-Cécile et moi nous ruons vers le projecteur le tournevis à la main ! En voilà un qui ne passera pas une heure de plus sournoisement tapi derrière les barres de flèches, à attendre le pire moment pour bloquer une drisse ou un étai largable. Il gît dorénavant dans les poubelles de la marina, en espérant que les crabes iront lui mordiller les câbles pour qu'il expie sa vilenie !

* on parle ici de miles marins, 1 mile marin = 1852 mètres. Un nœud = un mile par heure.

** La force du vent est mesurée sur l'échelle de Beaufort, qui est graduée, de façon non linéaire, entre 0 et 12, en fonction de la vitesse du vent. Force 4 à 5 : entre 20 et 38 km/h

*** le vent adonne lorsqu'il tourne, prenant une nouvelle direction plus favorable pour la route du voilier.

**** : prendre un ris signifie réduire la taille de la voile. les bosses de ris sont en effet les bouts qui permettent de réaliser cette opération.

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